Dans cet article, je vais vous expliquer de A à Z la fabrication du rhum.
SOMMAIRE (vous pouvez aller directement sur le chapitre qui vous intéresse en cliquant dessus) :
A - QU'EST CE QU'UN RHUM ?
Quelque soit le pays où il est fabriqué, le rhum est ce que l'on appelle communément une boisson spiritueuse qui doit répondre au conditions suivantes :
1. Une seule et même matière première : la canne à sucre (cf différentes variétés de cannes à sucre) qui peut-être utilisée sous différentes formes :
le pur jus de canne aussi appelé vesou qui est issu directement du broyage de la canne à sucre fraichement coupée. Les rhums issus du pur jus de canne sont ce que l'on appelle des rhums agricoles.
la mélasse qui correspond au résidu de la fabrication du sucre : il s'agit d'un liquide très visqueux dont la couleur peut varier du blond au brun foncé et qui contient des sucres résiduels, des minéraux, et divers autres composants. Les rhums produits à partir de mélasse sont ce que l'on appelle vulgairement des rhums industriels. Le gros avantage de la mélasse est qu'elle se conserve et se transporte très facilement.
le sirop de canne à sucre obtenu après cuisson et écumage (action de séparer le produit final désiré de ses impuretés) par évaporation ou concentration du jus de canne à sucre.
2. Cette boisson spiritueuse doit être issue de 3 processus successifs :
la fermentation alcoolique par l'action de diverses levures ou micro-organismes
la distillation avec une teneur en alcool en sortie plafonnée selon les pays à 95% alc. vol. (Etats-Unis, Guatemala et Japon) et 96% alc. vol. (Union Européenne, Caraïbes, Venezuela)
l'embouteillage où là aussi la teneur en alcool minimale réglementaire varie d'un pays à l'autre : de 25% au Guatemala jusqu'à 43% en Afrique du Sud. Certains imposent également et inversement une teneur en alcool maximale : par exemple au Guatemala un rhum ne doit pas titrer à plus de 45% alc.vol.
Il existe d'autres "types de rhums" répondant à des exigences différentes (cf mon article sur "Les différents spiritueux à base de rhum")
B - LES 3 ELEMENTS DE BASE POUR LA PRODUCTION DU RHUM
B1 - L'EAU
L'élément eau est indispensable à la fabrication du rhum notamment pour l'étape de la dilution que j'aborderai plus loin.
Historiquement, l'implantation des distillerie a souvent été dictée par la proximité d'une source d'eau : sources, nappes phréatiques, rivières, lacs, etc... Certaines distilleries utilisent même l'eau de pluie issue par exemple de la canopée : c'est le cas de la marque de rhum de Bélize COPALLI (découvrez les produits APPLETON proposés par votre boutique en ligne PASSION RHUM)
Cette eau doit être la plus pure possible et pour cela la distillerie peut procéder de 2 façons :
soit prélever l'eau directement depuis une source ou une nappe phréatique : dans ce cas précis c'est le bonheur absolu puisqu'aucun traitement n'est nécessaire
soit la prélever par exemple depuis un cours d'eau et dans ce cas la distillerie doit préalablement effectuer une épuration de l'eau soit par osmose soit de manière mécanique
Chaque distillerie bien entendu se vante d'avoir l'eau la plus pure du monde !
Mais le fait qu'une eau soit la plus pure possible ne signifie par pour autant qu'elle ne contient pas certains éléments d'ailleurs essentiels à la future qualité du rhum !
L'eau contient effectivement les éléments essentiels que sont les sels minéraux et les oligo-éléments (magnésium, potassium, fer, etc...)
En effet, si l'eau de pluie est bien entendu de part sa nature douce, il n'en est pas de même pour l'eau de source qui avant de surgir à la surface et d'être captée par la distillerie a traversé diverses strates géologiques et s'est chargée en sels-minéraux et en oligo-éléments : c'est ce que l'on appelle la minéralisation de l'eau qui définit ses différentes caractéristiques telle que par exemple sa dureté. Les roches traversées n'ayant pas le même taux de solubilité (c'est à dire la même propension à partager avec l'eau ses éléments constitutifs), on imagine aisément qu'en fonction des pays, des régions, des climats et des sols, la composition minérale des eaux est très diverses ! Et plus une eau sera chargée en sels minéraux, plus son impact sur le profil aromatique final du rhum sera important. L'eau est donc un élément essentiel quand à la qualité finale d'un rhum.
Parmi les eaux les plus minérales, on peut citer par exemple les eaux des nappes phréatiques ou des sources de Guadeloupe ou de la Réunion.
Mais à quel niveau de la production du rhum, l'eau intervient-elle ?
en premier lieu au niveau des plantations de cannes à sucre qui au cours de leur développement vont se nourrir de l'eau de pluie mais aussi de l'eau contenu dans les sols : une canne à sucre qui s'est développée sur un sol argileux n'aura pas les mêmes caractéristiques que celle qui s'est développée sur un sol volcanique.
en second lieu au niveau de l'étape du broyage de la canne : en effet, pour extraire plus facilement le jus du broyat, on est obligé d'imbiber ce dernier avec de l'eau et donc cette eau utilisée en fonction de ses caractéristiques aura une influence finale sur la qualité du vesou, de la mélasse ou encore du sirop.
en troisième lieu au niveau de l'étape de fermentation (étape durant laquelle on va extraire le sucre mais je reviendrai dessus un peu plus loin) : les sels minéraux contenus dans l'eau vont grandement contribuer à l'action des levures en favorisant en particulier la concentration des arômes : plus l'eau utilisée sera minérale, plus les arômes seront concentrés.
en quatrième lieu dans les étapes de refroidissement des différents mécanismes de production du rhum dont notamment les condenseurs (qui permettent de liquéfier les vapeurs d'alcool)
en dernier lieu au niveau de l'étape essentielle de dilution (étape consistant à diluer le condensat final afin d'obtenir le titre alcoolique souhaité).
B2 - LA CANNE A SUCRE
La canne à sucre est une grande graminée tropicale herbacée d'une hauteur pouvant aller selon les variétés de 2,5 à 6 mètres et dont les tiges pleines ont un diamètre de 1,5 à 6 centimètres.
Pendant très longtemps, la culture de la canne à sucre n'avait qu'un seul objectif (encore d'actualité à ce jour bien entendu) : produire du sucre grâce à la construction de sucreries. Elle est encore à l'origine aujourd'hui de 70 à 80 % de la production de sucre mondiale.
Cultivée essentiellement sous Climat tropical, la canne à sucre pour son bon développement a besoin effectivement de soleil et de beaucoup d'eau.
Mais la canne à sucre ne se limite pas une seule espèce mais en regroupe plusieurs dont certaines hybrides ! Il existe à ce jour plus de 4000 variétés de cannes à sucre à travers le monde !
LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE :
Le nom officiel de la canne à sucre est Saccharum (sucre) officinarum (atelier) : c'est donc vulgairement un atelier à sucre !
C'est un plante extrêmement complexe dont le génome séquencé n'a été découvert qu'en 2018 ! Sa tige se compose d'une succession de nœuds où se trouve justement le fameux sucre !
Mais comment la cultive t on ? La canne à sucre va pouvoir avoir plusieurs vies.
Etape 1 : PHASE DE CROISSANCE qui dure de 5 à 7 mois pendant les périodes de chaleur et de fortes pluies.
Etape 2 : PHASE DE MATURATION qui dure 6 mois sous un climat frais accompagné de faibles pluies.
Etape 3 : COUPE DE LA CANNE qui est une étape généralement effectuée manuellement dans des conditions difficile. Elle a lieu entre le 14ème et le 18ème mois. Cette rcolte consiste à couper les tiges en laissant la partie basse appelée la souche pour permettre la pousses des nouvelles cannes à sucre. Les cannes sont donc coupées au ras du sol car le sucre se concentre essentiellement dans le bas de la tige. La récolte manuelle de la canne à sucre étant un travail très pénible exigeant une excellente condition physique et une résistance aux nombreux insectes vivant dans les plantations sans parler des serpents ! Certains domaines optent de plus en plus pour une récolte mécanisée.
Etape 4 : PHASE DE REPRISE les souches qui n'ont pas été coupées vont redonner naissance à de nouvelles pousses de canne à sucre. Le problème est qu'après 4 à 7 récoltes, les souches diminuent en rendement et il faut donc les remplacer par ce que l'on appelle des boutures et le cycle recommence.
CONNAITRE L'ORIGINE DE LA VARIETE DE CANNE A SUCRE QUI A ETE UTILISEE
Il existe donc 4000 variétés de canne à sucre mais comment du coup s'y reconnaitre et savoir par exemple l'origine d'une variété de canne à sucre. Chaque variété est définie par un code (un peu comme un code barre) commençant par une ou des lettres et se terminant par des chiffres.
Par exemple, la canne cannelle aura le code B 82.0333 et pour connaitre son origine, il suffit de regarder la lettre du début : B pour Barbade, cette canne à sucre a donc pour origine la Barbade.
Ci-dessous un tableau récapitulatif des principales lettres rencontrées et des pays correspondants :
LE CAS PARTICULIER DE LA MARTINIQUE
Depuis 1996, le rhum agricole de la Martinique a obtenu une AOC et du coup les règles de culture et de distillation de la canne à sucre sont très réglementées.
La canne à sucre doit faire partie impérativement de la famille des graminées ou poacées du genre Saccharum et de l'espèce Officinarium. Les distillateurs ont le choix parmi 12 variétés dont lesquelles :
Variétés en phase d'expension :
B 82.0333 appelée aussi Canne Cannelle
B 80.0689 appelée aussi Canne Caïmite
B 69.566 appelée aussi Canne Bleue ( Clément Canne Bleue 2020)
Variétés en phase de maintien ou en légère régression :
B 80.08 appelée aussi Canne Zikak (Neisson L’Esprit Bio 70°)
B 59.92 appelée aussi Canne Roseau
R 570 appelée aussi Canne Paille
Variétés en voie de disparition :
B 64.277 appelée aussi canne rouge (la fameuse canne rouge des rhums A1710)
B 73.479 appelée aussi canne Zyé Rouj
B 76.56 appelée aussi canne verte
Pour pouvoir produire du rhum à partir de ces variétés, le distillateur doit respecter le cahier des charges de l'AOC et adresser une déclaration au Syndicat de défense de l'Appellation d'origine "Rhum agricole Martinique" appelé le SDAORAM.
Le cahier des charges de l'AOC est assez complexe et surtout très exigent et concerne :
- LES TECHNIQUES DE MULTIPLICATION (par bouturage à partir de tronçons de 30cm à 1 m prélevés sur des cannes plantées âgées de 6 à 10 mois maximum)
- LA PREPARATION DU SOL
- LES AMENDEMENTS (3 à 4 T/HA/AN de chaux magnésienne ou calcaire broyée selon le type de sol (si pH inférieur à 5) en tête de plantation, à répandre sur le sol avant affinage)
- LES DATES DE PLANTATION : de juin à septembre avec des distances imposées entre les plantations de 1,60m à 1,80m entre les lignes.
- LE DESHERBAGE
- LA FERTILISATION
- LA RECOLTE qui doit être effectuée entre février et juin 12 mois après plantation ou après coupe selon un mode de récolte semi-mécanisé ou mécanisé.
DE TOUTES LES COULEURS !
LA CANNE A SUCRE "BLEUE"
Cette variété fait la renommé des rhums CLEMENT avec leur fameuse édition limitée Canne Bleue premier rhum agricole mono-variétal au monde issu de cette seule et unique variété. Cette variété de canne à sucre doit sont nom à ses reflets bleus violacés et a été sélectionnée pour ses qualités aromatiques exceptionnelles et sa riche teneur en sucre.
LA CANNE A SUCRE "ROUGE"
Cette variété prisée par les rhums A1710 est caractérisée par le diamètre imposant de ses tiges. C'est une des variétés les plus productives et à la plus forte longévité pour peu que les conditions soient au rendez-vous. Elle est généralement cultivée sur de toutes petites parcelles.
LA CANNE A SUCRE "NOIRE"
Cette variété assez rare fait la renommée de la fameuse édition BLACK CANE des rhums BOLOGNE (qui d'ailleurs injecte cette variété dans tous ses rhums). Elle est en fait en voie de disparition du fait de son très faible rendement. Par contre, elle présente un profil aromatique tout simplement exceptionnel !
B3 - LA LEVURE
La levure est un organisme fongique monocellulaire
qui a la capacité de provoquer la fermentation des matières organiques animales ou végétales. Les levures sont principalement utilisées dans la production de produits alimentaires et de boissons comme le pain, le vin, la bière ou le rhum, grâce à leur capacité à fermenter les sucres. La fermentation produit du dioxyde de carbone et de l'alcool, ce qui fait lever la pâte dans le cas du pain et donne l'alcool dans le cas des spiritueux.
La levure est un organisme minuscule qui est naturellement présent sur la peau des fruits et des baies, mais on en trouve aussi dans le sol et dans l'air. Un gramme de levure fraîche renferme environ 20 milliards de cellules de levure !
Le type de levure utilisé est très important dans le profil aromatique final du produit et donc du rhum en ce qui nous concerne.
On peut distinguer 2 grands types de levure :
les levures naturelles que l'on trouve dans l'environnement : leur qualité première est d'apporter énormément de congénères aromatiques au futur rhum mais sont très sensibles aux variations climatiques et à l'environnement microbien. Leur utilisation doit donc être surveillée de très près par le distillateur.
les levures de synthèse ou de culture de plus en plus utilisées car très stables et pouvant être choisies parmi un vaste catalogue afin de définir le profil aromatique final désiré.
Certaines distilleries emploient également :
des levures œnologiques en complément des levures de distilleries afin encore une fois d'apporter un profil aromatique unique et atypique à un futur rhum.
leurs propres souches de levure qu'elles ont créées et faites évoluer au fil des années. Leurs objectifs ? Optimiser et maitriser le processus de fermentation et encore une fois obtenir au final un profil aromatique unique propre à la distillerie ! On peut citer le cas de la distillerie martiniquaise NEISSON (découvrez les produits NEISSON proposés par votre boutique en ligne PASSION RHUM) ou encore de la distillerie jamaïcaine APPLETON (découvrez les produits APPLETON proposés par votre boutique en ligne PASSION RHUM) qui grâce à une de ses souches de levure a développé l'arôme d'orange qui caractérise tant ses rhums.
On distingue ainsi plus de 90 congénères aromatiques (appelés aussi esters de fermentation)
différents créées rien que par l'action des variétés de levures utilisées ! De l'ananas à la cannelle, en passant par la framboise ou encore la prune. Tout est possible ou presque : en effet, pour développer le maximum d'arômes, les levures ont besoin durant la fermentation d'une température optimale plutôt basse d'où l'importance du refroidissement précis et minutieux des cuves de fermentation. Tout un savoir faire !
Vous aurez donc compris pourquoi à travers ces différents éléments et leurs actions, le rhum est de plus en plus apprécié et recherché car c'est le spiritueux offrant le panel aromatique le plus grand !
C - LES ETAPES DE LA FABRICATION DU RHUM
C1 - LA CULTURE DE LA CANNE A SUCRE
J'ai déjà évoqué avec vous de nombreux aspects de la canne à sucre dans les précédents chapitres et notamment l'importance des sols sur lesquels vont pousser la fameuse canne.
Les plantations de canne à sucre sont gérées par ce que l'on appelle les "maîtres canniers" qui grâce à leur savoir-faire légendaire vont optimiser les différentes variétés de canne en fonction du climat, des sols, de l'irrigation décidant ainsi par exemple de la meilleure période de plantation mais également de coupe. Et le terme "terroir", très so
uvent utilisé dans le monde du rhum, résulte de ces différentes composantes.
Mais parfois et même fréquemment ce terroir qui héberge les plantations de canne à sucre n'est pas situé à côté des distilleries et même ne leur appartient pas : en effet, la mélasse ou le sirop utilisé pour fabriquer le rhum provient assez régulièrement de régions voir de pays différents. Il existe donc un véritable marché de la mélasse en fonction des rhums que la distillerie souhaite obtenir.
Bien heureusement pour des raisons environnementales évidentes, certaines distilleries possèdent encore leurs propres plantations et cultivent donc leur propre canne à sucre en choisissant les variétés les mieux adaptées au terroir de leur région.
Une plantation peut-être monovariétale mais peut-être aussi composé de ce qu'on l'appelle des parcelles (je vous invite d'ailleurs mon article sur la distillerie LONGUETEAU qui est certainement une des pionnières dans la notion de rhum parcellaire (lien vers l'article)).
Sur une même plantation, chaque parcelle a souvent ses propres caractéristiques : sol, ensoleillement, proximité plus ou moins grande de la mer, irrigation, altitude, etc... Et le maitre cannier va décider de la variété à planter sur chaque parcelle en fonction de ses objectifs.
Et c'est là que l'on se rend compte des multiples options de départ qui vont définir selon un certain pourcentage les caractéristiques du futur rhum ! Quel monde merveilleux décidément, le champ de tous les possibles !
Une fois la canne à sucre à maturité, vient le temps de la coupe !
C2 - LA COUPE DE LA CANNE A SUCRE
Coupe manuelle ou mécanique ?
Même si la coupe manuelle s'avère extrêmement difficile pour l'être humain qui la pratique (chaleur, gestes répétitifs, posture traumatisante, risques élevés (présence fréquente de serpents et autres insectes indésirables)), c'est le type de coupe qui est privilégié par rapport à la coupe mécanique beaucoup moins précise avec un taux de fibres et d'éléments étrangers (organiques et minéraux) beaucoup plus élevé qui influe directement sur la pureté du jus obtenu.
Lors de la coupe manuelle, les tiges sont donc coupées à la machette au plus près du sol car c'est effectivement à la base de la tige que la teneur en sucre est la plus élevée. Un coupeur peut en couper jusqu'à 4 tonnes par jour !
La coupe de la canne à sucre reste donc encore très archaïque mais nécessaire pour un résultat optimal.
Vers une agriculture raisonnée et biologique ?
De plus en plus de distilleries optent pour le développement durable que ce soit au niveau de leur processus de fabrication (recyclage des produits non utilisés, énergie renouvelable etc...) que des plantations. On voit apparaitre ainsi des parcelles voir des terroirs entiers portant fièrement le logo "bio".
C3 - LE BROYAGE DE LA CANNE A SUCRE
Une fois coupée et récoltée, la canne à sucre doit être le plus rapidement broyée afin de conserver ses qualités intrinsèques ! C'est pour ces raisons que généralement l'unité de broyage n'est jamais très loin des plantations.
En effet, une tige de canne se détériore en moins de 48 heures. Une tige laissée à l'abandon va perdre jusqu'à 50% de saccharose (sucre) en deux ou trois jours !
Généralement l'extraction du jus se fait en deux étapes :
dans un premier temps les tiges sont défibrées dans ce que l'on appelle le coupe-canne
elles sont ensuite écrasées dans un broyeur que l'on appelle aussi un shredder.
Grace à cette technique, l'unité sucrière arrive à extraire jusqu'à 95% du saccharose contenu dans la canne à sucre ! L'un des résidus solide obtenu est la bagasse qui va servir par la suite de combustible lors par exemple de la distillation. Rien ne se perd, tout se recycle !
Et c'est ainsi que l'on obtient le précieux jus de canne à sucre !
A partir de cette étape, deux possibilités s'offrent à l'unité sucrière :
Utiliser le jus tel quel (que l'on appelle le vesou) pour fabriquer des rhums dits agricoles : ce jus doit être fermenté le plus rapidement possible car il est extrêmement fragile et se détériore très rapidement.
Concentrer le jus par évaporation pour obtenir ce que l'on appelle "le sirop de batterie" ou pour l'obtention de la mélasse (appelée aussi liqueur mère C).
La matière première la plus utilisée pour fabriquer le rhum n'est pas le pur jus de canne mais la mélasse : 95% des rhums que l'on appelle des rhums industriels en sont issus. La mélasse est le résidu incristallisable, noir et visqueux, du raffinage du sucre. Contrairement au pur jus de canne, il se conserve très longtemps et se transporte très facilement sur de grandes distances : elles sert donc de matière première à de nombreuses distilleries qui soient ne peuvent pas faire pousser de canne à sucre à proximité soit parce que leur propre production de canne ne suffit pas à leur besoin. Vous l'aurez compris, sans cette fameuse mélasse, nous n'aurions pas pu voir se construire des distillerie de rhum dans le monde entier. Les distilleries auto-suffisantes sont devenues très rares (Appleton, Worthy Park, Santa Teresa).
Vesou ou mélasse, est venu l'étape de la fermentation !
C4 - LA FERMENTATION
C'est à cette étape que les levures dont je vous ai parlé un peu plus haut vont intervenir !
Ces micro-organismes vont tout simplement transformer le sucre contenu dans le vesou ou la mélasse en alcool (éthanol) (avec production de gaz carbonique).
La fermentation se déroule dans de très grandes cuves. L'activité des levures étant très sensible à la température, il n'est pas rare de rencontrer dans certaines distilleries des cuves thermorégulées qui permettent de minimiser les risques de baisse d'activité et la prolifération de bactéries non souhaitées qui pourraient altérer grandement la qualité du rhum final.
Mais les levures ne se contentent pas de créer de l'alcool : elles vont également contribuer à la naissance d'un bon nombre d'arômes en générant des esters ! Et le choix de la levure est donc très importante en fonction du type de rhum que l'on souhaite obtenir. Certaines distilleries ont développé d'ailleurs certaines variétés de levures permettant la création d'arômes très spécifiques et dont elles gardent jalousement le secret.
En effet, les levures vont participer à l'élaboration des congénères aromatiques :
acide gras et leurs esters
aldéhydes
acétals
cétones
composés phénoliques, carbonylés ou sufurés
qui vont contribuer entre autre à élaborer le profile aromatique final du rhum.
De manière générale les levures les plus utilisées sont de type saccharomyces ou schizosaccharomyces.
Durée d'une fermentation :
De manière générale, plus la fermentation est longue et plus les arômes vont se développer.
Pour exemple, un rhum léger industriel pourra se contenter d'une fermentation de 12 à 24 heures, un rhum agricole de 24 à 48 heures, les grands arômes une dizaine de jours alors que pour les high ester jamaïcains la fermentation pourra dépasser les 20 jours !
Mais la durée n'est pas le seul élément intervenant dans le bon développement des arômes souhaités : le type de cuve utilisée, la température extérieure ou encore la qualité du vesou ou de la mélasse pourront intervenir sur le résultat final.
Les cuves de fermentation :
Les cuves utilisées sont soit ouvertes ou fermées, en bois ou en inox.
Le cas des dunders !
Pour tout amoureux de rhums high ester le terme "dunder" lui fait saliver les papilles ! En Jamaïque, certaines distilleries rajoutent de la vinasse ou "dunder" dans la cuve de fermentation pour booster l'activité des levures qui développent alors de très nombreux esters (composés aromatiques responsables des arômes fruités et floraux).
A la fin de la fermentation, on obtient un vin de canne (pour les fermentations de vesou) titrant entre 4 à 6% d'alcool ou un vin de mélasse titrant entre 8 et 10% d'alcool.
Ces vins vont maintenant subir l'étape centrale de la distillation.
C5 - LA DISTILLATION
C'est l'étape certainement la plus délicate et qui fait appel au savoir-faire d'un maître distillateur : nous allons extraire et concentrer des vins produits précédemment l'alcool et les arômes (esters) créés lors de la fermentation.
Pour cela, les distilleries disposent d'une multitude d'appareils !
Le principe de base :
La distillation est basée sur ce que l'on appelle le point d'ébullition. Chaque matière à une température donnée spécifique va transformer son état (solide, liquide, gazeux).
Le point d'ébullition est la température à laquelle une matière passe de l'état liquide à l'état gazeux et chaque matière à sa propre température d'ébullition.
Citons quelques exemples concrets :
Eau : 100 degrés Celsius (212 degrés Fahrenheit) à la pression atmosphérique standard.
Éthanol : 78,37 degrés Celsius (173,07 degrés Fahrenheit)
Hydrogène : -252,87 degrés Celsius (-423,17 degrés Fahrenheit)
Oxygène : -182,96 degrés Celsius (-297,33 degrés Fahrenheit)
Mercure : 356,73 degrés Celsius (674,11 degrés Fahrenheit)
Azote : -195,8 degrés Celsius (-320,4 degrés Fahrenheit)
Argon : -185,85 degrés Celsius (-302,53 degrés Fahrenheit)
Or : 2 856 degrés Celsius (5 173 degrés Fahrenheit)
Revenons au cas qui nous intéresse : le maitre distillateur va donc vouloir séparer l'eau de l'alcool contenues dans les vins. Si l'on regarde les exemples ci-dessous, il va donc falloir monter la température du vin entre 78,37° et 100° : en effet entre ces deux températures, l'alcool (éthanol) va passer à l'état gazeux (en emmenant avec lui les arômes qu'il contient) et l'eau va rester à l'état liquide.
L'astuce va donc consister à obtenir une "partie gazeuse" avec un certains pourcentage d'alcool et de congénères aromatiques.
Une fois cette étape franchie, on va séparer ce gaz et faire machine arrière en diminuant la température afin de faire revenir le gaz à l'état liquide et obtenir en sortie de distillation le fameux distillat tant recherché !
Pour arriver à ses fins, le maitre distillateur dispose d'une variété d'appareils incroyable et c'est une des grande particularité du rhum !
Il existe 3 grands modes distillatoires :
1 - La distillation discontinue qui peut utiliser 2 appareils différents :
- Pot Still (Alambic) à passe et à repasse
- Pot Still à simple ou double retors
2 - La distillation hybride qui utilise un pot still couplé une colonne (column) de type Vendome, batch kettle ou pot batch
3 - La distillation continue qui peut utiliser 3 appareils :
- Colonne simple de type créole, Savalle ou encore Barbet
- Colonne double de type Coffey stills
- Colonne multiple
C5-1 LA DISTILLATION DISCONTINUE A PASSE ET REPASSE (POT STILLS)
La distillation discontinue à passe et à repasse, aussi appelée distillation à deux passes est une opération qui nécessite deux étapes séparées de distillation, souvent effectuées dans des alambics spécifiques (onion still, boil ball still, classic pot still, lomond still, etc...).
Dans la première étape, la "passe", le mélange initial (pour rappel le vin obtenu après fermentation) est distillé :
sous l'effet de l'augmentation de la température à la base de l'alambic, l'alcool (éthanol et arômes) va passer à l'état gazeux et se retrouver en haut de l'alambic (tête ou chapiteau ou encore col-de-cygne) laissant à la base de ce dernier l'eau et les résidus.
Une fois en tête de l'alambic, l'alcool est refroidi au niveau du "bec" ou "condenseur à serpentin" ou "condenseur à tubes" ou encore appelé "tube de liaison" de l'alambic et repasse à l'état liquide pour être récupéré à la sortie de l'alambic dans ce que l'on appelle un receveur. A ce stade, le liquide récupéré est appelé le brouillis.
Dans la deuxième étape, le brouillis est alors soumis à une seconde distillation, la "repasse".
Cette double distillation permet d'obtenir un produit final de qualité supérieure appelé le "distillat", plus pur et concentré, car la plupart des impuretés sont éliminées lors des deux processus de distillation.
Le chauffage de l'alambic (généralement en cuivre) est assuré soit :
par une chauffe directe à la flamme nue (bois, gaz, charbon)
par une chauffe indirecte à la vapeur qui permet une diffusion uniforme de la chaleur.
Cette distillation produit un rhum à degré alcoolique moins élevé mais avec d'avantage de congénères aromatiques. Le problème est qu'il s'agit dune méthode lente avec un rendement assez faible. Mais le jeu en vaut la chandelle car les rhums qui en sont issus sont généralement de qualité supérieure.
Où est pratiquée ce type de distillation ?
Bayou aux Etats-Unis
Callwood dans les îles vierges britanniques
Mhoba en Afrique du Sud
Chamarel sur l'île Maurice
C5-2 LA DISTILLATION DISCONTINUE (POT STILLS) A SIMPLE OU DOUBLE RETORS
Dans certaines distilleries de rhum, on peut voir entre l'alambic pot still et le condensateur des sortes de "chambres de reflux" que l'on appelle des retors. Ils sont remplis des hauts et des bas vins (la fraction la plus et la moins concentrée des queues) de la précédente distillation. Au contact des vapeurs d'alcool de la la chauffe principale, ils vont eux aussi se vaporiser et apporter leurs arômes plus "lourds" au cours de ce que l'on pourrait appeler une distillation supplémentaire. De manière générale, ce type d'alambic produit un rhum plus riche et plus savoureux qu'en distillation continue.
Où est pratiquée ce type de distillation ?
Distilleries historiques de Guyana (Port-Mourant, Versailles)
Foursquare et Mount Gay à la Barbade
Appleton, Long Pond, Monymusk, New Yarmouth, Worthy Park en Jamaïque
Saint Lucia à Sainte Lucie
C5-3 LA DISTILLATION EN ALAMBIC HYBRIDE AVEC UNE OU PLUSIEURS COLONNES COUPLEES
Ces alambics sont destinés à produire des rhums dits "semi-lourds" plus légers que les rhums pot-still mais plus lourds que les ceux produits en colonnes.
On les rencontrent également très fréquemment dans des micro-distilleries grâce notamment au gain de place obtenu.
Comme leur nom le laisse prévoir, il s'agit d'un alambic couplé à une colonne de rectification qui se trouve au dessus.
Où est pratiquée ce type de distillation ?
Long Pond en Jamaïque (alambic dome Copper & Brass)
Saint Nicholas Abbey à la Barbade (Holstein Annabelle)
RhumRhum sur l'île de Marie-Galante (Muller)
Saint Lucia à Sainte Lucie
Cayman Spirits dans les Caïmans (Carl Still)
A1710 en Martinique (Charentais en cuivre Privat "La Belle Aline")
Diplomatico au Vénézuela (Batch Kettles)
West Indies Rum Distillery à la Barbade (Pot Batchs)
C5-4 LA DISTILLATION CONTINUE EN COLONNE SIMPLE
C'est typiquement la distillation la plus adaptée à la fabrication de rhums légers agricoles car ces colonnes permettent de distiller des vins de canne fermentés titrant à 4-5 % alc. vol.
Parmi les plus célèbres ont peut citer :
la colonne type Barbet
la colonne type Savalle
la colonne type Créole
Vous l'aurez donc compris, on va pratique donc ce type de distillation dans les Antilles Françaises mais également en Afrique du Sud.
Mais comment fonctionne cette distillation ?
1 - Le vin (qui je le rappelle provient de la fermentation) va être dans un premier temps chauffé dans ce que l'on appelle un chauffe-vin
2 - Il va ensuite pénétrer dans la colonne de distillation afin de le séparer en deux composants grâce à l'injection de vapeur chaude à la base de la colonne :
- les vapeurs alcooliques avec les congénères aromatiques qui vont être récupérées en haut de la conne
- la partie résiduelle restée à l'état liquide que l'on appelle la vinasse qui va être récupérée quand à elle à la base de la colonne
Cette distillation dans la colonne se décompose en 2 grandes partie :
- une partie dite d'épuisement à la base composée d'une quinzaine de plateaux minimum et qui évite la parte d'alcool dans la partie résiduelle liquide (vinasse)
- une partie dite de concentration composée de trois à neufs plateaux qui permet d'augmenter la teneur alcoolique dans la vapeur de façon à obtenir en sortie de processus un distillat titrant entre 60 et 95 % alc.vol.
3 - Les vapeurs alcooliques et les composés aromatiques sont refroidis au niveau des condenseur et réfrigérant afin d'obtenir le distillat tant souhaité ! Il est à noter qu'une partie du condensat peut-être réinjecté au de la partie rétrogradation dans le but, dans le cas des têtes de colonne notamment, d'augmenter la teneur alcoolique.
4 - Le distillat est recueilli dans une cuve appelé receveur où le degré alcoolique va être vérifié : en effet, ce degré alcoolique doit être compris entre certaines valeurs et ces valeurs varient d'un pays à l'autre.
Où est pratiquée ce type de distillation ?
Reimonenq en Guadeloupe avec un teneur alcoolique en sortie de distillation comprise entre 60 et 95 alc. vol.
La plupart des distilleries de Martinique (AOC Martinique) avec un teneur alcoolique en sortie de distillation comprise entre 60 et 95 alc. vol.
Chamarel sur l'île Maurice avec un teneur alcoolique en sortie de distillation comprise entre 60 et 75 alc. vol.
Bielle sur l'île de Marie-Galante avec un teneur alcoolique en sortie de distillation à 75 alc. vol.
Longueteau en Guadeloupe avec un teneur alcoolique en sortie de distillation comprise entre 75 et 80 alc. vol.
Habitation Bellevue en Guadeloupe avec un teneur alcoolique en sortie de distillation comprise entre 78 et 79 alc. vol.
Engenhos do Norte sur l'île de Madère avec un teneur alcoolique en sortie de distillation comprise entre 80 et 81 alc. vol.
Il existe également :
la distillation continue en double colonne (coffey stills) qui permet d'obtenir en une seule passe un distillat d'une grande pureté
la distillation continue à colonnes multiples qui permet d'obtenir avec un rendement très élevé des rhums très légers à hauteur en alcool 90 à 96 % alc. vol.
Dans ces distillations à plusieurs colonnes, chaque colonne joue un rôle bien spécifique : rectification, suppression de certains éléments, condensation, épuisement, etc...
Où est pratiquée ce type de distillation ?
Appleton en Jamaïque qui utilise en plus de ses alambics des colonnes triples en acier inoxydable
Grays sur l'île Maurice utilise également un système à colonnes triples
Angostura à Trinité-et-Tobago ou encore Serralès à Porto Rico utilisent un système moderne à cinq colonnes !
C6 - LA MATURATION
Le rhum en sortie de distillation, que l'on appelle un rhum "blanc" non coloré, va pouvoir :
- être embouteillé directement en sortie de colonne ou d'alambic : c'est que l'on appelle des rhums blancs brut de colonnes ou d'alambic qui présentent généralement un fort degré alcoolique (découvrir les rhums blancs bruts de colonne ou d'alambic de PASSION RHUM)
- subir ce que l'on appelle une maturation où l'on va laisser se reposer en cuves le rhum blanc qui va ainsi s'arrondir, s'assouplir, fondre ses arômes, développer son bouquet et se débarrasser des composés volatiles indésirables. La durée de cette maturation est très variable selon les distilleries et selon le type de rhum souhaité : l'AOC Martinique impose une durée de six semaines mais dans d'autres pays elle peut durer des mois voir des années !
Normalement un rhum blanc n'indique aucune indication d'âge mais cela peut arriver pour certains rhums industriels qui affichent des 7 ou des 8 ans d'âge après un vieillissement en fûts : mais dans ce cas comment font ils pour être vendus en rhums blancs ? Ils subissent tout simplement après vieillissement une étape de filtration sur charbon qui leur enlève toute couleur mais malheureusement aussi certains arômes. Ces rhums sont généralement utilisés dans les cocktails haut de gamme où leur transparence est fortement appréciée bien entendu : on peut citer le Bicardi Neo Silver ou encore le Flor de Cana Blanco Reserva 7 ans.
C7 - LES RHUMS ELEVES SOUS BOIS
Un rhum pour pouvoir être attitré de rhum vieux doit avoir vieilli au minimum 3 ans en fûts ou dans le cas d'un assemblage de rhums avoir dans sa composition avoir comme rhum le plus jeune un rhum de 3 ans (c'est toujours l'âge du rhum le plus jeune dans un assemblage qui est indiqué sur la bouteille : un rhum de 3 ans peut contenir des rhums beaucoup plus vieux !).
Quand un rhum a été vieilli en fûts moins de 3 ans, il prend l'appellation de rhum ambré ou encore de rhum élevé sous bois.
Les rhums élevés sous bois, ou rhums vieillis en fût de chêne, sont réputés pour leur complexité aromatique et gustative. Ils tirent leurs saveurs riches et profondes du processus d'élevage en fût, qui implique généralement l'utilisation de barils de chêne, contribuant à l'infusion de notes de vanille, de caramel et d'épices dans le rhum.
Plusieurs distilleries de Martinique, par exemple, produisent des rhums élevés sous bois de qualité supérieure, comme le HSE Élevé Sous Bois de la Distillerie du Simon, qui se distingue par son arôme d'herbe et de fruit ainsi que par sa saveur ronde, herbeuse et fruitée, légèrement marquée par le chêne. De même, le Rhum J.M Élevé Sous Bois offre un bouquet attrayant de vanille, de fleurs, d'épices, de bois jeune et de raisins secs.
D'autres distilleries notables produisent également des rhums élevés sous bois, comme le Duquesne Élevé Sous Bois 18 Mois, qui présente des saveurs d'agricole fraîches et distinctes ou encore le Trois Rivieres Elevé Sous Bois.
C8 - LE VIEILLISSEMENT DES RHUMS VIEUX
Comme je vous l'indiquait un peu plus haut dans cet article, un rhum pour être attitré de l'appellation "vieux rhum" doit avoir été vieilli en fûts (après l'étape donc de maturation) au minimum 3 ans. Et si il s'agit d'un assemblage de rhum, le rhum le plus jeune doit également avoir été vieilli au minimum 3 ans en fûts et c'est lui qui impose l'âge inscrit sur la bouteille de rhum.
Le distillat obtenu après maturation est donc introduit dans des fûts en bois de différentes tailles, de différentes essences et ayant contenu diverses spiritueux (la plupart du temps il s'agit de fûts en chêne américain ayant contenu du Bourbon). Mais avant d'être remplis, les fûts passent généralement par une étape de toastage ou de carbonisation qui consiste en une chauffe intérieure du fût qui va permettre de révéler de nouveaux arômes une fois le rhum en contact avec le bois.
Et oui, vous l'aurez compris, l'un des grands principe du vieillissement du rhum en fût est de développer des arômes supplémentaires lorsque le rhum rentre en contact avec le bois du fût et dont les caractéristiques et l'intensité vont dépendre de l'essence de bois utilisée, de la taille du fût, du lieu de stockage du fût que l'on appelle le chais (qui peut profiter d'un climat différent d'une distillerie à l'autre : climat tropical ou continentale par exemple).
Le vieillissement en fût va également s'accompagner d'une coloration et d'une oxydation du rhum en contact avec l'air qui pénètre par les pores du bois.
Certains embouteilleurs indépendants comme par exemple Les Frères de la Côte et Tres Hombres ont poussé le concept de contact avec le bois un peu plus en avant en transportant les fûts remplis de rhum par voilier durant des mois, le ballotage du bateau augmentant le contact du rhum avec le bois.
A quoi correspondent les termes VO, VSOP et XO que l'on peut lire sur certaines bouteilles de vieux rhums ?
VO (very old) : 3 ans minimum de vieillissement en fûts
VSOP (very special old pale) : 4 ans minimum de vieillissement en fûts
XO (extra old) : 6 ans minimum de vieillissement en fûts
Quelques exemples d'arômes apportés par les fûts lors du vieillissement :
les fûts en chêne américain (quercus alba) représentent la grande majorité des fûts utilisés et notamment les ex-fûts de Bourbon qui une fois carbonisé apportent des arômes de vanille, de caramel et de noix de coco
les fûts en chêne français (Quercus sessiflora) (beaucoup utilisés dans les distilleries des Antilles Françaises) ayant contenu du Cognac qui vont apporter au rhum des notes vanillées, mielées et épicées.
les fûts en chêne espagnol (Quercus robur) ayant contenu du Xérès moins utilisés mais qui apportent des arômes de fruits secs, d'épices et de tanins.
La part des anges...
Qui n'a pas entendu parlé de la fameuse "part des anges" dont le terme avait donné son nom à un film de Ken Loach en 2012.
Il s'agit tout simplement de l'évaporation au fil du temps d'une partie du rhum contenue dans le fût qui sera plus importante en climat tropical qu'en climat continental. Par exemple, après 15 ans de vieillissement un fûts de 200 litres peut avoir perdu les deux tiers de son contenu !
Single cask, Cask stregth, Small cask ?
On peut retrouver ces termes anglophones sur les bouteilles de vieux rhums mais que veulent-ils dirent ?
Single cask : c'est un rhum qui a vieilli dans un fût unique numéroté : ce sont des rhums très recherchés par les amateurs de rhum
Cask Strength ou Brut de fût en français : c'est un rhum qui a été embouteillé à la sortie directe du fût sans dilution : le taux d'alcool est généralement assez élevé
Small Cask : c'est un rhum qui a vieilli dans un ou des fûts de petites tailles et qui ont donc développé plus d'arômes au contact du bois
Le millésime d'un rhum ?
Le millésime d'un rhum correspond à sa date de mise en fûts. Et si l'on connait en plus sa date d'embouteillage, on peut déterminer son âge.
C9 - LA FINITION
Dans certains cas, le rhum après avoir passé un certains nombre d'années à vieillir en fût va subir ce que l'on appelle une finition et être transposé dans un ou des fût(s) différents(s) pour terminer son vieillissement : vous pourrez ainsi lire sur la bouteille correspondante "Cask Finish". Cette finition peut durer de quelques mois à plusieurs années. L'objectif est bien entendu d'apporter encore des arômes supplémentaires au vieux rhum. Certains distilleries vont ainsi transvaser le vieux rhum dans des fûts ayant contenu du Sherry (Sherry Finish), du Porto (Port Cask Finish), du vin de madère (Madeira Cask Finish) ou même encore dans d'anciens fûts ayant contenu un whisky spécifique (Whisky Cask Finish). Tout est possible dans le monde du rhum et c'est cela qui est fantastique !
C10 - L'EMBOUTEILLAGE
Après le vieillissement du rhum plusieurs possibilités s'offrent au distillateur ou à l'embouteilleur indépendant :
mettre directement le rhum vieillit en bouteille sans dilution : c'est ce que l'on appelle les rhums brut de fût avec des teneurs en alcool généralement assez élevées
diluer le rhum en sortie de vieillissement pour l'amener au degré alcoolique voulu avant embouteillage
faire des assemblages de rhums ayant vieillis pendant une durée différente et dans des fûts différents : c'est le rôle primordiale du Maitre Assembleur ! Le rhum obtenu est ce que l'on appelle un blend. L'assemblage peut se faire d'ailleurs avant le vieillissement en choisissant différents rhums blancs, en les assemblant pour définir un nouveau rhum qui va alors être mis en vieillissement.
Encore une fois tout est possible et le monde du rhum n'a pas fini de nous surprendre !
D - CONCLUSION
Quelque soit l'endroit où il a été fabriqué, le rhum nous démontre encore une fois qu'avec lui tous les champs du possible sont à notre portée ! Monde parfois complexe mais oh combien passionnant, le rhum s'adapte comme beaucoup d'autres produits à la fois aux changements de ce monde mais également aux habitudes changeantes des consommateurs. Il doit pour cela sans cesse se remettre en question, innover et nous surprendre tout en conservant les bases qui font toute sa richesse ! Vive le rhum !
Mes sources pour écrire cet article :
- mes connaissances ;-)
- différents sites du net
- les sites officiels des distilleries
- 2 ouvrages
"Le Guide Hachette des Rhums" Edition Octobre 2018
"RHUM" de Cyrille Mald
Excellent article. Pédagogique et complet. Bravo!