

Considéré pendant longtemps comme simple base indispensable à l'élaboration des cocktails, les rhums blancs ont retrouvé ces dernières années leurs lettres de noblesse et sont devenus de véritables pépites de dégustation.
Focus sur une catégorie en plein renouveau.

Comme tous les rhums, les rhums blancs sont bien entendu fabriqués à partir de canne à sucre qui est cultivée dans de nombreux pays à travers le monde sur des sols, sous des climats et selon des méthodes très différentes d'un pays à l'autre. Ces différences notables vont bien entendu influencer grandement le caractère final du rhum blanc d'où une diversité incroyable offerte aux consommateurs que nous sommes.
Mais les méthodes de production vont également influencer la qualité de ce dernier et force est de constater encore une fois que la diversité est au rendez-vous.
En effet, on produit aujourd’hui de l’eau-de-vie de canne aux quatre coins de la planète. Mais, au-delà de leurs terroirs, les rhums doivent également leurs personnalités à leurs méthodes d’ élaboration.
Traditionnellement, ils étaient conçus à partir de mélasse issue de la fabrication de sucre. Dans les Caraïbes et en Amérique latine notamment, les producteurs sont aujourd’hui encore fidèles à ce style.
Les rhums peuvent également être produits à partir du pur jus de cannes à sucre. En la matière, la Martinique et la Guadeloupe s’imposent comme deux origines incontournables. Lorsqu’ils sont élaborés dans les Antilles françaises – mais aussi à Madère, à La Réunion ou en Guyane – les rhums pur jus bénéficient de l’appellation agricole.
Quelle que soit la matière première utilisée, la fermentation, généralement réalisées grâce à l’ajout de levures, permet de transformer le sucre en alcool. Grâce aux durées de fermentations, plus ou moins longues, les producteurs façonnent le profil aromatique de leurs rhums.
La distillation va également avoir un impact sur leurs personnalités qu’il s’agisse d’arômes ou de texture. S’ils ne flirtent pas avec le bois, les rhums blancs bénéficient généralement d’une maturation en cuves inox avant d’être mis en bouteille afin de les rendre plus souples. Toutefois, un rhum blanc peut bénéficier d’un vieillissement en fûts. Pour lui redonner sa couleur cristalline, il est filtré sur charbon actif.

Les rhums dévoilent un large éventail de styles allant des expressions pures et délicates aux plus aromatiques. Mais quels facteurs vont réellement influencer l’aromatique d’un rhum ?
La matière première : l’utilisation du jus fraîchement pressé de la canne à sucre confère au rhum des arômes végétaux et herbacés souvent très intenses alors que la mélasse permet d’obtenir des profils plus suaves et gourmands.
La fermentation : des fermentations longues permettent aux esters et autres éléments aromatiques de se développer, notamment des notes de fruits tropicaux. Certaines distilleries sont d’ailleurs spécialisées dans la production de rhums grand arôme, aussi appelés high-ester, qui battent tous les records d’exubérance !
La distillation : outre le type de distillation (repasse vs. continue), le taux d’alcool en sortie d’alambic influe sur l’intensité aromatique d’un rhum. Une colonne peut aussi bien produire un distillat léger à 95% qu’une eau-de-vie à moins de 75% très aromatique, au même titre qu’une distillation en pot still.
Source : Didier Ghorbanzadeh, expert à La Maison du Whisky et formateur WSET

Depuis quelques années, à l’image des plus grands vignerons, les producteurs de rhums s’attachent à mettre en lumière la typicité de leurs terroirs et la personnalité des différentes variétés de cannes à sucre avec des cuvées parcellaires et mono variétales. Une tendance initiée par les rhumiers des Antilles françaises.
A titre d'exemple, Neisson a ainsi lancé fin 2023 sa première cuvée parcellaire baptisée Clos Godinot.

Imaginée par Grégory Vernant, à la tête de la distillerie familiale, ce rhum blanc AOC Martinique est élaboré à partir de cannes à sucre cultivées sur cette parcelle située à une altitude de 245 mètres, à la pente très raide.

Une situation à l’origine d’amplitudes thermiques importantes lui permettant d’obtenir une très haute concentration en sucre. Une spécificité que l’on retrouve à la dégustation, Clos Godinot se distinguant par un registre fruité d’une richesse et d’une complexité rares qui s’exprime parfaitement dans le verre tulipe créé par Neisson avec la complicité de Luca Gargano.

En Guadeloupe, Papa Rouyo mise également sur le parcellaire et le monovariétal. La distillerie fondée par un collectif de planteurs du Moule lance en effet ce printemps le premier opus de sa nouvelle collection baptisée Maître Cannier. Ce rhum agricole, qui rend hommage au maître cannier Tim Synésius, est élaboré à partir du pur jus de canne de la variété Matos (B80.0689) cultivée, par ce dernier, sur la parcelle Portland connue pour son sol argilo-calcaire qui va directement influer sur les arômes du jus de canne.

Il s’agit aussi d’un brut d’alambic mis en bouteille à 70%, une catégorie qui tend également à se développer et répond aux attentes des amateurs avertis. Des rhums d’une grande complexité aromatique.
Les rhums blancs de dégustation sont également au cœur du projet de Mark Reynier à la Grenade, projet peut-être trop ambitieux puisqu'il connait maleureusement actuellement de grosse difficulté ce qui ne l'empêche pas de continuer à y croire ! Trop de transparence certainement au coeur de laquelle, paradoxalement, le Client semble s'être perdu...

Depuis 2020, à la tête de sa distillerie ultra-moderne Renegade, il explore les terroirs de l’île et leurs individualités, mais aussi les variétés de cannes à sucre, et ce avec la plus grande transparence.

Pour cela, il dispose de près de 100 hectares en culture, divisés en 12 fermes, sur 45 terroirs différents. Baptisés Pre-Casks, ses rhums blancs élaborés à partir de pur jus de cannes bénéficiant de fermentations prolongées, mettent chacun en avant une parcelle et une variété, qu’ils soient distillés en pot still ou en colonne.
La Distillerie de Port au Prince, fondée en 2018 en Haïti, s’attache, elle aussi, à explorer le terroir de son pays, mais également toutes les facettes du rhum. Dunder & Syrup, son deuxième embouteillage, illustre parfaitement cette volonté d’expérimenter.

Ce rhum est en effet produit avec du sirop fait à partir de jus de canne Cristalline dont la fermentation est réalisée avec des levures sélectionnées et de vinasses provenant des distillations précédentes. De quoi lui offrir une grande complexité aromatique. Dunder & Syrup a également la particularité d’être distillé dans un alambic Müller chauffé au bain-marie.
De son côté, El Amparo, une distillerie équatorienne fondée dans la province de Manabi par Carlos Baque Zorrilla, mise sur une variété de canne à sucre indigène, la Cubana Negra, pour produire un magnifique rhum blanc pur jus distillé dans un petit alambic en cuivre.

Cultivée de façon traditionnelle depuis trois générations, cette canne à sucre est aujourd’hui encore récoltée à la machette lorsqu’elle atteint 18 mois. Quant à la fermentation conduite par des levures indigènes, elle peut durer jusqu’à 7 jours

Vaval, Sajous, Sonson, Casimir ou encore Le Rocher : dans la grande famille des rhums blancs, les clairins tiennent une place à part. 100 % artisanaux et authentiques, ces rhums haïtiens sont en effet élaborés à partir de variétés de cannes autochtones non hybridées, cultivées de façon totalement naturelle.

Elles sont d’ailleurs aujourd’hui encore récoltées manuellement et transportées à la distillerie en charrettes tirées par des ânes ou des bœufs. Produits à partir de jus de cannes frais ou de sirop, fermentés de façon spontanée à partir de levures indigènes, les clairins ont également la particularité d’être distillés en alambics chauffés à feu nu et embouteillés à leur degré naturel. De quoi offrir une palette aromatique absolument unique, d’autant que chaque millésime réserve son lot de surprises.
A très bientôt pour un prochain dossier !

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